Comment assurer les matériaux biosourcés ? Conseils et bonnes pratiques
Responsabilité décennale et garantie légale
En France, les entreprises de construction sont responsables des dommages causés aux ouvrages qu'elles construisent pendant 10 ans après la réception des travaux. Cette responsabilité décennale est une garantie légale à laquelle il est impossible de déroger. Cependant, il est important de noter que ce ne sont pas les matériaux eux-mêmes qui sont assurés, mais les entreprises et les artisans qui les mettent en œuvre.
En France, le régime d’assurance obligatoire repose, depuis la loi SPINETTA, sur un mécanisme à double détente constitué d’un duo formé par l’assurance Dommages-Ouvrage et l’assurance de responsabilité décennale des constructeurs au sens de l’articles 1792-1 du code civil. Etant rappelé, que le périmètre de la responsabilité décennale et obligation d’assurance ne constitue pas un calque parfait notamment et par exemple en raison d’ouvrage non soumis à l’obligation d’assurance (L243-1-1 du code des assurances) mais pour lesquels la responsabilité décennale est encourue etc…
L’emploi de matériaux biosourcés ne change rien à l’étendue de la responsabilité décennale du constructeur, qui en demeure responsable de plein droit en application de l’article 1792 du code civil.
Les critères d'assurabilité des matériaux biosourcés
Pour apporter des garanties à l’entreprise permettant de couvrir sa responsabilité et les conséquences d'éventuels désordres, les assureurs s’appuient sur les critères et contrôles établis par l’Agence Qualité Construction (AQC). En fonction de la technique utilisée et de la reconnaissance du procédé, l’entreprise sera plus ou moins couverte par son assurance décennale.
Les assureurs raisonnent sur une dichotomie fondée sur une classification « technique courante » et « technique non courante » qui trouve notamment sa place lors de la déclaration de risque de l’assuré par une question posée par l’assureur. Elle sert de distinction dans la normalisation du risque et fait appel à l’intervention de la C2P. La définition contractuelle de la notion de technique courante a été modifiée par France Assureur pour une application au 1er janvier 2023.
Les techniques courantes et non courantes
Rappelons la clause de technique courante :
« Pour des travaux de construction répondant à une norme homologuée (NF DTU ou NF EN), à des règles professionnelles acceptées par la C2P ou à des recommandations professionnelles acceptées par la C2P. »
Pour des procédés ou produits faisant l’objet, au jour de la passation du marché, d’une Évaluation Technique Européenne (ETE) bénéficiant d’un Document Technique d’Application (DTA), ou d'un Avis Technique (Atec), valides et non mis en observation par la C2P.
Pour des procédés ou produits faisant l’objet, au plus tard le jour de la réception (au sens de l’article 1792-6 du code civil), d’une Appréciation Technique d’Expérimentation (Atex) avec avis favorable.
Les règles professionnelles acceptées par la C2P (Commission prévention produits mis en œuvre par l’Agence Qualité Construction), les recommandations professionnelles acceptées par la C2P et les procédés ou produits mis en observation par la C2P sont consultables sur le site de l’Agence Qualité Construction (www.qualiteconstruction.com).
Nous rappelons que l’expression « techniques non courantes » ne signifie par inassurabilité, mais implique une déclaration à son assureur afin de couvrir le risque avec ou sans majoration en fonction de l’analyse qui en sera faite.
Les matériaux biosourcés sont encore considérés comme relativement nouveaux dans le secteur de la construction.
Et pourtant leur emploi est relativement ancien dans le monde de la construction, les matériaux comme le torchis sont par nature biosourcés. Mais de nouveaux matériaux bio-sourcés sont régulièrement mis sur le marché pour lesquels les assureurs ne disposent pas d’un recul important et nécessaire.
Certains d'entre eux, comme la construction en paille ou les ouvrages en béton de chanvre, ont déjà fait l'objet de règles professionnelles acceptées par la Commission Prévention Produits (C2P) de l'AQC, les rendant ainsi éligibles en tant que techniques courantes.
Il existe aujourd’hui plusieurs règles professionnelles acceptées par la Commission Prévention Produits (C2P) comme :
- Règles professionnelles Construction Paille 2012 révisées 3ième édition RFCP acceptées par la C2P
- Règles professionnelles Juillet 2012 (association Construire en Chanvre) acceptées par la C2P avec suivi du retour d’expérience
Plusieurs matériaux bénéficient également d’ATEC ou d’ATEX.
Il existe donc bien aujourd’hui la possibilité d’employer des matériaux biosourcés et de remplir les conditions pour demeurer dans le cadre des techniques courantes.
Cependant, pour d’autres matériaux biosourcés, de techniques non courantes, une évaluation plus approfondie de la part de l'assureur pour déterminer les conditions d'assurabilité est nécessaire. Il est donc essentiel de se rapprocher de son courtier et de son assureur pour une couverture optimale de l’opération ou de l’activité.
La liste verte de la C2P
La classification des matériaux entre courants et non courants est de la responsabilité de la Commission Prévention Produits (C2P) de l'AQC. La Liste Verte de la C2P recense les produits et/ou procédés bénéficiant d’un Avis Technique en cours de validité et qui ne sont pas mis en observation par la C2P. Cette liste est un outil précieux pour les entreprises souhaitant utiliser des matériaux biosourcés.
Les précautions à prendre lors de l’utilisation de matériaux biosourcés
Lors de l’utilisation de matériaux biosourcés, il est essentiel de prendre certaines précautions pour éviter les désordres et assurer une construction de qualité. Voici quelques points de vigilance :
Protection contre l'humidité
La plupart des matériaux biosourcés sont hygroscopiques et putrescibles, ce qui signifie qu'ils ont tendance à absorber l'humidité et à se décomposer. Il est donc important de stocker ces matériaux dans des conditions appropriées avant leur mise en œuvre. Les infiltrations d'eau et les mauvaises conditions de stockage peuvent entraîner des dégradations et des moisissures.
Pendant les travaux, il est essentiel de manipuler les matériaux avec précaution pour éviter les chocs et les perforations. Les risques d'endommagement générés par d'autres corps de métier doivent également être pris en compte. Une fois en œuvre, les matériaux biosourcés doivent être protégés contre l'humidité et les apports d'humidité non maîtrisés provenant d'autres corps de métier.
Ponts thermiques, risque d'incendie et termites
Comme tous les matériaux de construction, les matériaux biosourcés peuvent présenter des risques de ponts thermiques. Il est important de surveiller ces ponts thermiques au niveau de l'isolation des pieds de murs et des fondations, ainsi que lors de la mise en place des panneaux isolants.
Le risque d'incendie doit également être pris en compte, en respectant les distances de sécurité entre les matériaux et les équipements de production de chaleur. De plus, dans les zones géographiques concernées, il est essentiel de mettre en place des barrières anti-termites pour protéger les ouvrages en bois.
Les matériaux biosourcés offrent de nombreux avantages en termes d'impact environnemental réduit. Cependant, lors de leur utilisation, il est essentiel de prendre des précautions pour éviter les désordres et assurer une construction de qualité. En se conformant aux règles professionnelles et en se rapprochant de son courtier et/ou son de assureur, les entreprises peuvent bénéficier des garanties nécessaires pour couvrir leur responsabilité décennale.